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MOLDAVIE, enjeux des élections législatives du 11 juillet 2021

 

La Moldavie, lieu névralgique des relations entre l'Europe occidentale et la Russie.

- Enjeux des élections législatives du 11 juillet 2021 -

 

DECERE a été reçu par son Excellence

Madame Corina CĂLUGĂRU, ambassadrice de la République de Moldavie

auprès du Conseil de l'Europe, à Strasbourg.

 

Entretien réalisé par fr. Franck Dubois, o.p.

  

DECERELe 23 juin, la Moldavie célébrait l’anniversaire de la déclaration de souveraineté de la Moldavie. Est-ce que la Moldavie est un État réellement souverain ?

Madame Corina CĂLUGĂRU: C’est une bonne question. La République de Moldavie est un jeune pays, cette année, nous célébrerons 30 ans d’indépendance. Oui, nous sommes un pays indépendant et souverain. Pas à pas nous construisons un vrai État démocratique où règne l’Etat de droit et le respect des droits de l’Homme. Bien entendu, nous avons encore beaucoup de leçons à apprendre et nous avons commis des erreurs par le passé. Je dis toujours que nous sommes un État en construction. Ces trente dernières années, beaucoup d’efforts ont été faits pour construire des institutions démocratiques, pour développer une nouvelle génération de fonctionnaires civils d’État, mais il reste encore beaucoup à faire.



Pourquoi la République de Moldavie devrait intéresser ceux qui connaissent les affaires européennes ? Pourquoi l’Europe occidentale en particulier ne doit-elle pas oublier la Moldavie ?

C. CĂLUGĂRU: La Moldavie, comme l’écrit Grigore Ureche [chroniqueur moldave du XVIIe siècle] dans ses Chroniques, se trouve au croisement de plusieurs courants. Géographiquement, et par définition, c’est un pays qui fait partie de l’Europe. Mais notre histoire est riche de beaucoup d’influences diverses : influence musulmane pendant l’occupation ottomane, influence soviétique lorsque la Moldavie était une des républiques de l’URSS… tous ces éléments font maintenant partie de notre culture. Par exemple, il ne faut pas oublier que la Moldavie était l’unique pays d’URSS où l’on parlait une langue latine, le roumain, même si, pendant la période soviétique, on a tenté de transformer cette langue en langue « moldave », en changeant sa graphie pour utiliser l’alphabet cyrillique.

La République de Moldavie est certes un petit pays, mais elle est dotée de beaucoup de richesses (ressources) intellectuelles, à défaut de disposer de beaucoup de ressources naturelles. Cette richesse intellectuelle, ce sont les citoyens moldaves.

L’Europe est composée non seulement de grands pays aux histoires multiséculaires, mais également de plus petits pays qui se sont structurés et formés dans les 30 dernières années. Bien sûr on définit le Conseil de l’Europe comme un espace où la peine de mort n’existe pas : l'Europe est le continent des valeurs européennes, démocratie, Etat de droit et respect des droits de l’homme. Mais si c'est déjà le cas dans certaines régions, ça ne l'est pas encore pleinement dans d’autres. Et il ne faut pas oublier que l’on vit aujourd’hui un changement global, suite à l’impact du COVID. L'important est de toujours promouvoir l’unité européenne pour vivre ensemble en Europe.



Dans une interview diffusée le 23 juin 2021 par Radio Europa Libera, Mme Maia Sandu, présidente de la République de Moldavie affirmait : « La Moldavie est un Etat vulnérable, parce que les institutions de l’Etat sont faibles. » Que voulait-elle dire ?

C. CĂLUGĂRU: La République de Moldavie est un jeune pays en construction: ces dernières années, nous avons beaucoup investi dans la réforme des institutions. Par exemple, par souci de rationalisation, la structure du gouvernement a été reduite de 16 à 9 « super-ministères. » C’est intéressant, mais dans quelques cas il y a des difficultés. Il faudra évaluer cette réforme dans un futur proche, pour voir si elle est bénéfique ou non ou s'il y a besoin d'ajustements.

Les institutions du pays n’ont pas fini de se transformer. Elles sont aussi affectées par les changements politiques qui interviennent dans le pays. Mais beaucoup de choses se jouent dans la formation de la nouvelle génération de fonctionnaires publics, et cela prend beaucoup de temps. La carrière des fonctionnaires doit se faire au mérite, en fonction des capacités de chacun. Il faut favoriser le professionnalisme dans la fonction publique. Aujourd’hui, certaines institutions sont plus faibles que d’autres, mais pour continuer à améliorer la performance globale de l’Administration, il faut de la détermination, des efforts et du temps, des ressources humaines, pécuniaires. Dans ce processus, nous avons toujours bénéficié du soutien de nos partenaires internationaux, mais l’essentiel doit venir de l’intérieur, des efforts que nous déployons nous-mêmes, en Moldavie, pour devenir plus forts et plus performants.



Pourquoi les prochaines élections parlementaires seront importantes ? On observe que la société moldave, ou du moins la classe politique, est très polarisée. Est-ce que voter en République de Moldavie en 2021, c’est forcément voter pour ou contre l’Ouest, ou l’Est ?

C. CĂLUGĂRU: Les élections parlementaires anticipées se tiendront le 11 juillet. A cette occasion, il y a beaucoup de discussions publiques sur le choix supposé entre l’Ouest et l’Est. Mais ce serait une erreur de se concentrer uniquement sur l’aspect géopolitique du scrutin. Il faut plutôt considérer les capacités des partis, des hommes politiques, dans leur détermination à aider le développement du pays. Si l’on se limite seulement à l’alternative Est/Ouest, on n’arrivera pas à construire et à penser un véritable Etat fonctionnel. La politique interne et les changements internes sont certes déterminés par les influences extérieures, mais aussi par la détermination interne au pays. Il dépend de la volonté du peuple de changer les choses vers une voie plus progressiste.



Quelles sont les réformes les plus urgentes à entreprendre ?

C. CĂLUGĂRU: Depuis 2013, la collaboration de la République de Moldavie avec le Conseil de l’Europe se fonde sur le « Plan d’action pour la République de Moldavie », un cadre pour une grande variété de projets. Le plan 2021-2024 a été lancé ici à Strasbourg en présence de la présidente Maia Sandu et de la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejčinović Burić. Ce plan insiste sur la réforme de la justice, la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, l’amélioration du dialogue entre l’administration locale et centrale. Mais ces réformes dépendent non seulement de la décision politique, mais encore de la qualité humaine des différents acteurs publics et privés qui concourent au développement du pays. Beaucoup d’efforts sont donc déployés dans ce plan pour participer à la formation de différents types de professionnels : juges, avocats, procureurs, fonctionnaires…

Les réformes les plus urgentes concernent la justice, l’état de droit et la consolidation démocratique, mais tout cela n’est possible qu’avec des fonctionnaires publics qualifiés, déterminés à changer les choses. La question est de savoir comment y parvenir, c’est-à-dire comment atteindre une masse critique de fonctionnaires bien formés qui puissent travailler ensemble avec le personnel politique et faire avancer les choses dans le pays.

 

Est-ce difficile d’attirer les meilleurs Moldaves dans la fonction publique ?

C. CĂLUGĂRU: C’est une question critique. Beaucoup de nos concitoyens ont émigré à l’étranger, pour différents motifs : les salaires, la qualité de vie… Mais travailler et attirer les fonctionnaires en République de Moldavie devient plus facile aujourd’hui, parce que se développent des alternatives dans le pays même. La croissance des investissements étrangers, le développement d’entreprises privées offre d’autres possibilités d’emploi, avec des salaires attractifs, à côté ou en complément de ceux de la fonction publique. Mais il est vrai que travailler pour l’Etat demande des sacrifices et de la détermination. Cela suppose de croire que l’on peut changer les choses dans son pays et aussi d’aimer son pays. La satisfaction de voir changer le pays grâce à son travail et sa détermination est grande. C’est une noble tâche qui suppose beaucoup de sacrifices, des efforts et une attitude.



Vous n’êtes plus la plus jeune représentante auprès du Conseil de l’Europe, mais vous l’avez été…

C. CĂLUGĂRU: Ce qui compte ce n’est pas l’âge, c’est l’expérience et la détermination que l’on met dans ce que l’on fait! Pour moi, ce que nous faisons pour le pays avec le Conseil de l'Europe était et reste clair, que ce soit en étant bénéficiaire mais aussi en contribuant à l'agenda de l’organisation en qualité de Coordinateur thématique sur la politique d’information (TC-INF) ou de Présidente du Comité des Parties à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. De plus, mon pays doit également être entendu du point de vue du potentiel et des valeurs culturels et humains. La République de Moldavie est un beau pays à découvrir. J’ai toujours été soutenue par le ministère des affaires étrangères et ma hiérarchie directe.



Comment sont formés les fonctionnaires en République de Moldavie ?

C. CĂLUGĂRU: Aujourd’hui la formation des fonctionnaires repose sur quelques piliers principaux. Tout d’abord, le recrutement par concours publics, ensuite, les institutions de formation, tels l’Académie d’administration publique, l'Institut diplomatique auprès du ministère des affaires étrangères. Des jeunes étudiants font leur stage dans l’administration publique et les meilleurs sont incités à se présenter ensuite aux concours. A Strasbourg où il y a beaucoup d’étudiants moldaves, on les encourage à faire leur stage dans notre mission diplomatique puis à postuler pour travailler au ministère. Il y a beaucoup d’étudiants moldaves hors du pays, mais tous ne trouvent pas de travail à l’étranger. Je leur conseille personnellement de revenir en Moldavie, d’y acquérir de l’expérience pour retourner éventuellement à l’étranger ensuite, et y être plus performants.

La République de Moldavie est un petit pays, riche de son potentiel intellectuel, riche de ses habitants. Notre ambassadeur véritable c’est la population. Mais en Moldavie on souffre de modestie, on se sous-évalue, sans doute à cause de l’histoire du pays. Or nous avons un potentiel humain immense qui nous permettra de nous développer.

Par exemple, nous avons un grand potentiel dans le domaine des technologies digitales. Beaucoup travaillent déjà en Moldavie pour des grandes compagnies de ce secteur. Ces dernières années on a beaucoup investi dans les formations digitales et le développement de différents « hubs » digitaux, avec l’appui de partenaires étrangers et nationaux. C’est une nouvelle carte de visite pour le pays, qui s'ajoute à celle de nos vins.

 

Quel est le rôle de la Société civile dans la construction de la République de Moldavie ?

C. CĂLUGĂRU: La Société civile peut aider par une « critique constructive ». Elle peut dire des choses que les fonctionnaires ne pourraient pas exprimer. Mais il faut encore trouver le point d’intersection entre la société civile et l’Etat pour mieux travailler ensemble. Si on ne se rencontre pas, on risque de s’épuiser. Il faut mieux travailler ensemble pour changer les choses.

La Société Civile est également impliquée dans la promotion des valeurs du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l'Homme, l’amélioration de la justice, en soutien au processus électoral… Par ailleurs, dans les domaines ou l’Etat n’a pas encore les moyens de promouvoir les politiques spécifiques, par exemple pour les personnes souffrant de handicap, la société civile peut y jouer un rôle, apporter son soutien et de la valeur ajoutée.



Suite à la visite de Maia Sandu au Conseil de l’Europe en avril, et à ses nombreux déplacements dans les différentes capitales européennes, y a-t-il déjà eu des fruits ?

C. CĂLUGĂRU: Aujourd’hui, nous assistons à une nouvelle étape du dialogue avec les partenaires européens. Une nouvelle fenêtre d’opportunité est offerte à la République de Moldavie, avec l’arrivée de Maia Sandu, comme en témoignent ses nombreux voyages en Europe.

Mais le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la Moldavie est un processus continu, qui était en préparation depuis longtemps. Malgré les circonstances de la pandémie en 2020, avec mes collègues ici à Strasbourg et depuis Chisinau, on a accompli un exercice conjoint intense avec le Conseil de l'Europe: arriver avec un document stratégique qui a été élaboré en fonction des enseignements tirés du précédent Plan d'action pour 2017-2020, du renforcement des capacités/de la coopération technique, des besoins réels sur le terrain et des engagements permanents envers le Conseil de l'Europe et ses organes de suivi.

Ce plan ne dépend pas strictement de la situation politique dans le pays, il continue donc, indépendamment des vicissitudes politiques. Par ailleurs, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe va participer à l’observation des élections parlementaires de juillet. Avec l’appui du Conseil, nous allons continuer à développer les capacités de la Commission électorale centrale, à assurer l’éducation à la citoyenneté démocratique, etc.. Le Conseil a aussi contribué à financer une campagne de sensibilisation pour inciter la population à voter, en Moldavie et à l’étranger. Notre coopération avec le Conseil de l’Europe est pro-active, même s’il y a des domaines qui ne sont pas toujours visibles.

Il y a une attention focalisée sur la lutte contre la corruption et la réforme de la justice. Jusqu’à maintenant la République de Moldavie a déployé beaucoup d’efforts dans ce domaine, mais aujourd’hui on arrive dans un moment critique. Il faut voir ce qui marche ou non et trouver les interventions nécessaires et correctes qui peuvent donner immédiatement des résultats. Car la population moldave n’en peut plus. Elle est fatiguée. Elle veux vivre dès aujourd’hui, pas dans 20 ou 30 ans. Cela, nous l’avons compris.

 

Qu’en est-il du conflit en région transnistrienne ? Mme Sandu a parlé d’un nouveau plan plus clair pour la réintégration du pays ? Quels sont les obstacles les plus importants à la résolution de ce conflit ? Pourquoi ce blocage ?

C. CĂLUGĂRU: Ce conflit doit être résolu en respectant l’intégrité territoriale de la République de Moldavie. Concernant l’action du Conseil de l’Europe dans ce dossier, elle se concentre sur la situation des droits de l’Homme dans la région. En cela, le plan d’action Conseil pour la République de Moldavie comporte toujours un volet visant à consolider la confiance entre les citoyens des deux rives du Nistru.

Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) reçoit de nombreuses requêtes de la part de citoyens vivant dans la région transnistrienne. Jusqu’ici, une quarantaine d’arrêts de la CEDH visent des violations de droits de l’Homme commises en région transnistrienne. Ces arrêts sont ensuite transférés au Comité des ministres pour les droits de l’Homme qui doit veiller à leur mise en œuvre. Depuis 2013, le dossier « Catan et autres contre la Fédération de Russie » est prioritaire pour nous. Il concerne le fonctionnement et l’accessibilité des écoles en alphabet latin (de langue roumaine) situées en région transnistrienne. Il y a huit écoles concernées par ce dossier. Malheureusement, malgré 11 décisions et 4 résolutions intérimaires, le pays qui est responsable et qui a le contrôle effectif dans la région transnisitrienne, c'est-à-dire la Russie, refuse d’assurer l’exécution de ces arrêts. Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour faire respecter le droit de ces enfants d’être éduqués dans leur langue maternelle. Il faut aussi que ces écoles bénéficient de conditions adéquates pour enseigner. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. En 2002-2004, 5000 élèves étaient scolarisés dans ces écoles, aujourd’hui ils ne sont plus que 1500 environ. C’est inquiétant.

Un arrêt de la cour est obligatoire pour tous les pays membres. Si on ne l’exécute pas, on peut être suspendu du Conseil. Jusqu’ici nous avons fait beaucoup d’efforts diplomatiques. J’espère que la Russie finira par mettre en œuvre ces résolutions. Une chose est la politique, mais il y a aussi les droits de l’Homme. On ne peut pas accepter aujourd’hui que des enfants soient privés du droit fondamental d’être éduqués dans leur propre langue, où qu’ils le fassent dans des conditions inadéquates… On ne peut pas accepter que des enfants aillent à l’école la peur au ventre. Pour nous, ces enfants, ces familles, ces professeurs qui veulent à tout prix étudier en roumain nous montrent qu’ils sont déterminés à assurer la réintégration du pays : Ce sont des héros (La « réintégration » signifie la restauration de la souveraineté sur l’ensemble du territoire de la République de Moldavie, y compris la région transnistrienne).

Pour la nouvelle génération ce qui se passe n’est pas acceptable.



La nouvelle génération ? Vous pouvez préciser ?

C. CĂLUGĂRU: Oui, on parle de l’Europe et de ses valeurs. Mais on s’aperçoit qu’il y a des petites régions, des zones grises en Europe où se vivent des situations non acceptables.

 

Comment décrire les relations entre la République de Moldavie et la Roumanie ?

C. CĂLUGĂRU: La Roumanie est membre de l’UE ; depuis toujours, des éléments unissent la République de Moldavie et la Roumanie, de façon indiscutable. La Roumanie est un des principaux avocats de la Moldavie pour son parcours et son destin européen.

La République de Moldavie a toujours bénéficié du soutien de partenaires externes, mais ce qui compte c’est la force, les ressources internes. Personne ne peut venir faire le ménage dans notre maison à notre place. Il faut donc que la force motrice interne à la Moldavie fasse bouger les choses. Cela ne peut qu’inciter nos partenaires à nous prendre plus au sérieux. Je ne crois pas que l’on doive faire telle ou telle réforme « parce que c’est bien » ou que cela plaît à tel partenaire, ou parce que l’on va adhérer à l’UE… Il faut faire ces réformes véritables pour le bien de notre pays, pas parce que c’est une condition requise par d’autres partenaires. C’est là notre mantra diplomatique.

Certes, oui, le Conseil de l’Europe nous demande de mettre en œuvre des réformes, et il critique certains aspects de la situation actuelle en République de Moldavie, et nous l’acceptons. Mais nous avons compris également que l’on ne peut pas complètement copier et coller les réformes déjà engagées dans d’autres pays. Il faut à chaque fois s’adapter à la situation locale. Ce qui marche dans d’autres pays ne fonctionne pas forcément chez nous. Il faut donc d’abord partir de notre volonté de changer en interne, en lien et en appui avec nos partenaires extérieurs.



Quel est la place des Eglises et de la religion en Moldavie, quel rôle les Eglises peuvent-elles jouer dans le développement du pays ?

C. CĂLUGĂRU: Les Moldaves sont en général croyants. C’est un peuple qui croit, qui est attaché à l’Eglise. L’Eglise devrait jouer un rôle dans la cohésion sociale et dans la paix. Il ne faut pas oublier que le premier arrêt de la CEDH concernant la République de Moldavie concernait l’Eglise, plus précisément la Métropole de Bessarabie, ce qui fut un grand pas dans la reconnaissance de la structure interne des Eglises en Moldavie*.

Mais il y a aussi d’autres cultes (catholiques, juifs…) qui sont tous acceptés en Moldavie. Aujourd’hui la population est fatiguée et déséquilibrée moralement et l’Eglise peut contribuer à ce rééquilibrage moral. En Occident, on va voir le psychologue ou le psychiatre. Chez nous, l’Eglise peut jouer ce rôle. L’Eglise peut aider à équilibrer moralement les gens, pour qu’ils soient plus épanouis, plus heureux dans leur famille, plus actifs dans la société.

Le Covid a été une véritable rupture. Le monde a évolué, il faut que nous changions nos façons de vivre et de réagir. Il faut à tout prix éviter les erreurs du passé, les guerres et leurs victimes. A chacun d’être responsable pour éviter de nouvelles crises. Le covid nous aide à voir ce qui marche ou non. Avec cette crise, nous avons été tenus sous respirateur artificiel, maintenant il faut que nous apprenions à nouveau à respirer naturellement. Tous, nous avons un rôle à jouer.

note* : Arrêt du 13 décembre 2001 : « Église métropolitaine de Bessarabie et autres contre Moldova ». Les requérants alléguaient en particulier que le refus des autorités moldaves de reconnaître l’Église métropolitaine de Bessarabie, dépendant du Patriarcat de Bucarest, portait atteinte à leur liberté de religion et d’association, et que l’Église requérante était victime d’une discrimination fondée sur la religion.

 

Vous êtes optimiste pour la Moldavie ?

C. CĂLUGĂRU: Oui, elle a un grand potentiel, le peuple moldave mérite un présent et un futur lumineux, et cela va dépendre non seulement de la compréhension externe, mais aussi de la force motrice interne…

Nous vous remercions infiniment, Mme l'ambassadrice, d'avoir accepté de répondre à nos questions.

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POUR MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX.

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DOSSIER REALISE PAR FRANCK DUBOIS

A l’Est, rien que du neuf. Le cas de la République de Moldavie

Nichée entre la Roumanie et l’Ukraine, la petite république de Moldavie, 2,6 millions d’habitants, pourrait passer inaperçue parmi les ex-républiques soviétiques situées aux confins du territoire de l’Union européenne (UE). Toutefois, l’élection présidentielle de novembre 2020 a marqué un tournant dans l’histoire du pays, qui célébrera ses 30 ans d’indépendance en août prochain. L’arrivée au pouvoir de Mme Maia Sandu, économiste de 49 ans, éduquée à Harvard, ayant travaillé pour la Banque Mondiale et le PNUD, signale une volonté de la population d’éradiquer la corruption endémique qui mine tous les secteurs d’activité et de développer les liens avec les pays occidentaux. Les élections législatives anticipées du 11 juillet prochain, obtenues de haute lutte, devraient consolider cet ancrage européen de la Moldavie. Sans perdre ses liens historiques avec la Russie, la Moldavie, épaulée par la Roumanie voisine, voudrait, tout comme l’Ukraine et la Géorgie, opérer un rééquilibrage géostratégique. Le rapprochement avec l’UE est perçu comme un gage de développement économique, et un moyen de consolider la démocratie. C’est aussi une condition essentielle pour préserver l’intégrité territoriale, et la pleine souveraineté du pays, toujours menacées dans une région très militarisée où les tensions internationales restent vives.

Economie et démographie

En 2019, le PIB par habitant moldave était de 4.494 USD, ce qui plaçait la Moldavie en avant-dernière position en Europe, juste après l’Ukraine, bien loin de la moyenne européenne (34.960 USD/habitant) et à bonne distance de son voisin roumain (12.890 USD/habitant)1. L’économie moldave est essentiellement agricole. Ce secteur emploie encore un tiers de la population. L’agriculture est un des principaux moteurs des exportations (vin, graines de tournesol, pommes…). La Roumanie est de loin le premier partenaire commercial de la Moldavie, tant pour les exportations que pour les importations, suivie par la Russie, l’Italie, l’Allemagne la Turquie et l’Ukraine. Le commerce moldave avec l’UE représente plus de 60% du commerce extérieur du pays. Il a augmenté de 22% entre 2016 et 2020. Depuis 2011, la Moldavie est adhérente de la zone de libre-échange entre de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), mais la Russie a un temps soumis les exportations agroalimentaires moldaves à un embargo, ce qui a contribué à réorienter le commerce moldave vers l’ouest.

En revanche, depuis le 1er juillet 2016, l'accord d'association entre l'UE et la Moldavie, qui prévoit une zone de libre-échange approfondi et complet, est entré pleinement en vigueur. La Moldavie bénéficie d’une aide multilatérale importante. En 2021, l’UE s’est engagée à mobiliser 600 millions d’euros sur trois ans en faveur du redressement économique de la Moldavie, après la crise du COVID-19. C’est le premier pays du partenariat oriental avec l’UE2 qui bénéficie d’un tel soutien. L’Allemagne, la Roumanie et la France concourent également au développement du pays, par des programmes bilatéraux d’aide financière et de coopération technique.

La Moldavie dépend beaucoup des transferts de richesse en provenance de sa diaspora. En 2019, ils représentaient 16% du PIB. On estime à plus d’un million les Moldaves vivant hors du pays, en Russie, en Ukraine et dans divers pays de l’UE. Le taux de natalité moldave est faible, environ 1,2 enfant par femme, inférieur à la moyenne de l’UE (1,5). Il est aggravé par un solde migratoire négatif. Entre 2014 et 2020 la population habituellement résidente en Moldavie a décru de 8%.

L’histoire de ce petit pays de 33.840m2 est complexe. Les Moldaves sont historiquement, culturellement et linguistiquement liés aux habitants de la Roumanie actuelle. Bien que ce sujet n’ait cessé de faire polémique dans l’histoire récente, la langue moldave est identique à la langue roumaine. La région Nord-Est de la Roumanie est d’ailleurs également appelée Moldavie. Les drapeaux des deux pays sont quasiment identiques. L’hymne nationale moldave, Limba noastră, Notre langue, célèbre la langue roumaine. Cependant, le territoire de la république actuelle de Moldavie est depuis toujours soumis aux influences croisées de ses grands voisins : la Russie, l’Empire Ottoman et la Roumanie. Sa composition ethnique n’est pas homogène, même si les roumanophones sont largement majoritaires. D’après le bureau national de statistiques en 2014, 75% des habitants se sont déclarés Moldaves, 7% Roumains, 6,6% Ukrainiens, 4,6% Gagaouzes (turcophones), 4,6% Russes, 4,1% Bulgares, 1,9% Roms (tsiganes). 79% des habitants parlent habituellement le roumain ou le moldave, 15,5% le russe. 97% se disent de confession orthodoxe. La majorité de ceux-ci appartiennent à l’Eglise orthodoxe de Moldavie, Métropole de Chișinău, qui dépend du Patriarcat de Moscou. Une minorité est fidèle à la Métropole de Bessarabie, qui dépend du Patriarcat de Bucarest. La République de Moldavie n’a reconnu cette dernière qu’après un recours déposé devant la CEDH, qui trancha en sa faveur par une décision du 13 décembre 20013. Ce fut la première décision de la Cour concernant la Moldavie.

Un peu d’histoire

Le territoire actuel de la République de Moldavie correspond à peu près à celui de l’antique Bessarabie. Avec la Valachie et la Transylvanie, elle est une des composantes historiques de la future Roumanie. Les historiens roumains affirment que la latinisation de la région date de la conquête de la Dacie par Trajan, en 106. Après le retrait des troupes romaines au sud du Danube, dès 271, les populations locales conservèrent l’héritage de la langue latine. Au XVe siècle, le roi Etienne le Grand remporte des batailles contre les Tatars, résiste aux Ottomans et se bat contre les Hongrois. Il marque un repère dans la constitution de l’identité moldave. En 1600, pour la première fois, sous la principauté de Michel le Brave, la Moldavie est brièvement unie à la Transylvanie et la Valachie.

En 1812, le Traité de Bucarest céda ce territoire, alors sous suzeraineté ottomane, majoritairement peuplé de roumanophone, mais encore de russophones, d’ukrainiens, de turcophones orthodoxes (Gagaouzes) et de Bulgares, à la Russie impériale. C’est la naissance du gouvernorat de Bessarabie, qui comprend les territoires situés entre le Prut et le Nistru (le Dniestr). C’est aussi le début d’une politique de russification. En 1918, profitant des troubles révolutionnaires en Russie, la nation moldave se déclare indépendante, puis immédiatement favorable à l’union avec la Roumanie. Le Traité de Paris en 1920 reconnaît l’union de la Bessarabie à la Roumanie. En 1940, une clause du pacte Ribbentrop-Molotov permet à l’URSS d’annexer à nouveau la Bessarabie, brièvement reconquise ensuite par la Roumanie du Maréchal Antonescu. La Moldavie est définitivement agrégée à l’URSS en 1944 en tant République socialiste soviétique (RSS) moldave, une des quinze républiques de l’Union. La Moldavie est la seule RSS où l’on parle une langue latine. La langue roumaine est rebaptisée « langue moldave » par les soviétiques. Elle s’écrit désormais avec l’alphabet cyrillique. Des néologismes sont inventés, calqués sur la langue russe, dans le but de faire oublier le passé commun avec la Roumanie. Une nouvelle campagne de russification débute également. Pendant et avant la guerre, des centaines de milliers de Juifs furent déportés de Bessarabie, beaucoup moururent dans les camps. Après la guerre, sous Staline, de nombreux Moldaves furent déportés en Sibérie.

La composition ethnique de la Moldavie n’a donc eu de cesse de changer au XXe siècle. La population roumanophone (moldave) resta majoritaire dans la plupart des campagnes, alors que la population urbaine était plutôt russophone ou ukrainophone. Dans le sud du pays, en plus de quelques villages bulgares, la minorité turcophone gagaouze se regroupe autour de la ville de Comrat. Cependant, en incluant dans les limites de la nouvelle RSS de Moldavie la région transnistrienne, une fine bande de territoire situé sur la rive gauche du Nistru (le Dniestr), hors des frontières traditionnelles de la Bessarabie, Staline incorporait à la nouvelle république une région russophone, faisant partie de l’URSS, et donc soviétisée depuis 1922. C’est dans cette région, ayant pour ville principale Tiraspol, que se concentra bientôt les principaux centres de production industrielle de la RSS de Moldavie. Plus russophone, plus industrialisée, et faisant partie de l’URSS depuis son fondement, la région transnistrienne fut une région privilégiée au sein de la Moldavie soviétique. Elle fournit la plupart de ses dirigeants.

La question transnistrienne

Le 27 août 1991, la Moldavie proclame son indépendance. Le 2 mars 1992, elle devient membre de plein droit de l’ONU. Mais cette indépendance n’est pas reconnue par les autorités russophones de Tiraspol, capitale de la « République moldave du Nistru (le Dniestr) » autoproclamée en 1990. Celle-ci réclame son attachement à l’URSS, puis à la Russie. Igor Smirnov, le dirigeant de cette entité, voulait faire de la région transnistrienne un oblast’ russe, sans continuité territoriale avec la Russie, comparable à l’enclave de Kaliningrad. Les russophones de l’est du Nistru (le Dniestr) craignaient en effet de perdre tous leurs droits, notamment celui de parler leur langue, à l’indépendance de la Moldavie. Ils redoutaient aussi le rattachement de la République de Moldavie à la Roumanie. De fait, ce projet fut un temps considéré par une partie de l’opinion, tant à Bucarest qu’à Chișinău, mais la guerre en région transnistrienne allait porter un coup d’arrêt à cet élan.

De 1991 à 1992, un conflit armé sanglant opposa les deux parties et fit plus de 400 morts côté moldave. La région transnistrienne fut favorisée par la présence sur son territoire de la XIVe armée russe et du soutien logistique et financier de Moscou. Le 21 juillet 1992, un cessez-le feu est décrété par une convention signée entre la République de Moldavie et la Russie en vue du règlement pacifique du conflit armé. Cette convention ne règle cependant pas la question de la présence de l’armée russe en région transnistrienne. Tout juste stipule-t-elle que celle-ci doit respecter une stricte neutralité. Une commission de contrôle mixte est mise en place.

Depuis, la région transnistrienne (4.163 km2 475.000 habitants) se considère comme un Etat de plein droit. En août 1994 elle proclame son indépendance qui n’a été reconnue par aucun Etat. Le Nistru (le Dniestr) constitue une frontière de facto avec le reste de la République de Moldavie qui, pratiquement, n’administre pas cette partie de son territoire. La république autoproclamée frappe sa monnaie (le rouble transnistrien), émet ses propres plaques d’immatriculation. Ce conflit « gelé » est savamment entretenu par la Russie qui s’est pourtant engagée publiquement à retirer ses troupes, stationnée illégalement sur le territoire moldave. En plus des forces de la XIVe armée (environ 1.500 hommes), la Russie a déployé en région transnistrienne des forces de « maintien de la paix » sensées faire respecter l’accord de cessez-le feu (environs 500 hommes). En pratique, comme l’a reconnu la CEDH dans une décision du 8 juillet 20044 :

« A ce jour, l’armée russe continue à stationner sur le territoire moldave en violation des engagements de retrait total pris par la Russie aux sommets de l’OSCE en 1999 en 2001. Tant avant qu’après le 5 mai 1998, date de l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Russie, dans le secteur de sécurité contrôlé par les forces russes de maintien de la paix, le régime de la région transnistrienne a continué à déployer ses troupes illégalement et à fabriquer et commercialiser des armes en violation de l’accord du 21 juillet 1992. L’ensemble de ces éléments est de nature à prouver que la région transnistrienne continue à se trouver sous l’autorité effective, ou tout au moins sous l’influence décisive, de la Russie et, en tout état de cause, qu’elle survit grâce au soutien militaire, économique, financier et politique qu’elle lui fournit. »

En plus de la présence militaire russe, la Moldavie hérite sur son territoire du dépôt militaire de Cobasna. Situé dans le nord de la région transnistrienne, à la frontière avec l’Ukraine, ce dépôt contient environ 20.000 tonnes d’armes et de munitions, abandonnées par l’armée soviétique lors de son retrait des anciens pays membres du pacte de Varsovie. Difficilement transportable, ce stock d’arme représente un risque réel pour l’environnement et constitue une menace directe pour les populations alentours.

Le conflit transnistrien est aujourd’hui « gelé ». Mais il s’est réveillé périodiquement, notamment à cause de la russification forcée des populations roumanophones de la région. En 2004, les autorités de Tiraspol décidèrent de fermer de force les écoles enseignant la langue roumaine écrite avec l’alphabet latin. Il s’agissait ainsi, comme sous la période soviétique, de promouvoir la « langue moldave » au détriment du roumain. Le droit à l’enseignement en langue roumaine est aujourd’hui au cœur des préoccupations de la représentation de la Moldavie au Conseil de l’Europe. Les huit écoles enseignant encore en langue roumaine sur le territoire de la région transnistrienne n’offrent pas les conditions nécessaires à une bonne éducation. Sciemment négligées et même menacées par le régime, elles ne permettent pas aux enfants roumanophones de suivre leur éducation en langue maternelle, contrairement à ce que prévoie la Convention européenne des droits de l’homme. Malgré les 11 décisions et 4 résolutions intérimaires du Conseil de l’Europe enjoignant la Russie à présenter un plan d’action pour remédier à la situation, rien ne change. En tout, une quarantaine de décisions de la CEDH concernent des plaintes de citoyens moldaves vivant en région transnistrienne. Chaque décision a constaté la responsabilité de la Russie dans les préjudices subis et les atteintes aux droits de l’homme. Aucune n’a été suivi d’effet.

Aujourd’hui, la question transnistrienne est un frein considérable au développement de la République de Moldavie. Tiraspol est une zone de non-droit, le trafic de contrebande y abonde. Comme elle le fait dans d’autres républiques de son « étranger proche », la Russie émet volontiers des passeports russes aux russophones de la région transnistrienne qui en font la demande. Elle légitime ainsi son droit à intervenir pour protéger les intérêts de ses citoyens. Par ailleurs, la Russie apporte un soutien financier massif à ce territoire, en subventionnant notamment les pensions de retraite, et des secteurs entiers de l’économie. La région transnistrienne alimente une partie des graves problèmes de corruption qui gangrènent la politique et l’économie moldave.

La Russie et ses alliés russophones en Moldavie promeuvent comme solution au conflit une fédéralisation de la Moldavie, qui entérinerait de façon définitive l’autonomie de fait de la région transnistrienne. Cette solution a été proposée en 2003 par Dimitri Kozak, envoyé spécial du président russe Vladimir Poutine dans la région. Chișinău s’y est toujours refusée. Une telle solution nuirait gravement aux droits des populations roumanophones de la rive orientale du Nistru (le fleuve Dniestr). Elle donnerait à la Russie, alliée du régime de Tiraspol, un moyen de pression considérable sur le régime de Chișinău puisque la majorité de la production industrielle et de la production électrique du pays provient de la région transnistrienne. A terme, la fédéralisation ne ferait qu’affaiblir des institutions étatiques déjà fragiles, elle priverait la Moldavie d’une pleine et entière souveraineté.

Cette pression russe a longtemps bénéficié de la complicité tacite des gouvernements successifs qui se sont succédés à Chișinău. La position officielle du gouvernement moldave a toujours été la « réintégration » du pays, c’est-à-dire le retour d’une souveraineté pleine et entière de la République de Moldavie sur la région transnistrienne. Mais les autorités ont rarement fait valoir leur droit. Les gouvernements successifs n’ont pas non plus cherché à diminuer l’influence économique et stratégique de la Russie. La Moldavie n’a jamais mis en œuvre les différents projets de raccordement du réseau électrique moldave avec le réseau roumain, ni développé les infrastructures routières et ferroviaires nécessaire à ce que le pays puisse rééquilibrer ses approvisionnements et ses débouchés à la faveur de l’Europe occidentale. La Russie dispose ainsi de puissants leviers d’action, et d’une capacité de chantage toujours très efficace, par l’entremise de Vadim Krasnoselski, l’actuel « président » transnistrien.

En juillet 2005, le Parlement de Chișinău accorda une vaste autonomie à la région transnistrienne qu’elle constitue en « Unité territoriale autonome de la rive gauche du Nistru (fleuve Dniestr) ». Tiraspol n’a pas reconnu cette disposition. Depuis des négociations laborieuses se poursuivent sous le format « 5+2 » réunissant la Moldavie, la région transnistrienne, l’OSCE, la Roumanie, la Russie, les Etats-Unis et l’Union européenne. Toutefois, sans volonté politique claire des principaux intéressés (Moldavie, région transnistrienne et Russie) de trouver une solution au conflit, ces négociations n’ont pas eu d’effet tangible sur le terrain.

Il faut encore noter que la question transnistrienne se double de celle de l’Unité territoriale autonome de Gagaouzie (130.000 habitants pour 1830km2). Cette petite région turcophone du sud du pays jouit d’un statut de relative autonomie. Dotée d’un exécutif local propre, dirigée par Mme Irina Vlah, « Bașkan », gouverneur élue, cette micro-région est traditionnellement tournée vers la Russie. Même si la Gagaouzie n’affiche pas une volonté d’indépendance comparable à celle de la région transnistrienne, elle serait favorable, elle aussi, à la fédéralisation du pays. En réalité, de plus en plus soumise aux intérêts russes, la Gagaouzie apparaît parfois comme une nouvelle pièce pour déconstruire l’unité du pays.

On comprend pourquoi, lors de l’annexion par la Russie de la Crimée, en 2014, beaucoup regardaient avec méfiance la situation en Moldavie. Si le projet de « Novorossia » avait vu le jour, on s’attendait à ce que les forces armées russes occupent tout le littoral ukrainien, jusqu’à Odessa, en s’appuyant sur la présence russe en région transnistrienne. La situation semble être aujourd’hui « gelée », mais la potentielle prise en tenaille de l’Ukraine entre les forces russes massées dans le Donbass et celles, certes bien plus modestes, stationnées en région transnistrienne reste une possibilité. Même si la région transnistrienne est enclavée, séparée de la « mère » russe par l’Ukraine, l’annexion de la Crimée par la Russie l’en a singulièrement rapprochée. A vol d’oiseau, Tiraspol est à 390km de Sébastopol. Auparavant, une des villes russes les plus proches était Rostov-sur-le-Don, à 960km. Les récents mouvements de troupes russes à la frontière ukrainienne rappellent que la situation dans la région reste volatile. Voilà qui explique le regain d’intérêt des chancelleries occidentales pour la République de Moldavie, alors que semble s’y dessiner un revirement géostratégique.

Politique

Avec l’élection de Mircea Snegur en 1991, les différents présidents qui se sont succédés à Chișinău depuis l’indépendance, jusqu’à l’élection en novembre 2020 de Maia Sandu, ont plutôt été favorables au rapprochement de la Moldavie avec la Russie et la CEI. C’est notamment le cas d’Igor Dodon, prédécesseur de Mme Sandu et président du Parti Socialiste de République de Moldavie (PSRM). Mais il ne faudrait pas surestimer le poids des facteurs géopolitiques dans la politique interne au pays. L’histoire récente de la Moldavie a surtout été marquée par le « vol du milliard » : la disparition, entre 2011 et 2014 d’un milliard de dollars des caisses de trois banques moldaves (équivalent à 12% du PIB du pays). Deux hommes en particulier sont mis en cause dans cette affaire, tous les deux sont aujourd’hui en fuite : Ilian Șor, maire de la commune d’Ohrei et Vlad Platohniuc, homme politique et homme d’affaire. Malheureusement, le Procureur général n’a jamais montré une volonté déterminée de les retrouver et de les juger. Cette inaction du système judiciaire est emblématique. L’ONU estime que chaque année, les flux illégaux d’argents issus de la contrebande, de la vente illicite de biens publics, de la gestion frauduleuse des entreprises d’Etat représente un milliard de dollars5. Parmi les entreprises publiques les plus décriées, les Chemin de fer moldaves (CFM). 40 dossiers pénaux ont été ouverts concernant les détournements de fonds dans cette entreprise. Aucun n’a donné suite à une condamnation.

On comprend donc que la corruption soit à la tête des préoccupations des citoyens moldaves. En 2019, Mme Maia Sandu, candidate malheureuse aux élections présidentielles de 2016, présidente du parti réformiste PAS (Parti Action et Solidarité) assura, un temps, la fonction de première ministre, au sein d’un gouvernement de coalition avec les socialistes. Ce premier bref passage lui permet d’initier un certain nombre de réformes, vite abandonnées par ses successeurs. Forte de cette première notoriété, et s’appuyant sur un programme clairement centré sur la lutte contre la corruption, Maia Sandu est élue au deuxième tour des élections présidentielles, le 15 novembre 2020, avec 57% des suffrages. Elle remporte la victoire sur Igor Dodon, socialiste (PSRM), président sortant.

L’arrivée au pouvoir du sixième président de la République de Moldavie déclenche une crise politique dans le pays. Dans cette démocratie parlementaire, la Constitution réserve peu de prérogatives au président, face au parlement (unicaméral). Or, issu des élections législatives de février 2019, le Parlement de Moldavie est dominé par le PSRM et ses alliés. En outre, cette législature est marquée par de nombreux revirement de coalitions. Plusieurs députés ont monnayé leur appartenance à telle ou telle faction politique, et ont changé plusieurs fois de parti en quelques mois. Présidente élue, Maia Sandu souhaita donc dissoudre le Parlement, afin de pouvoir compter sur l’appui d’un gouvernement réformateur, soutenu par une majorité parlementaire honnête et réformatrice. Après plusieurs rebondissements, et l’intervention de la Cour Constitutionnelle, Mme Sandu obtint finalement gain de cause. Faute d’avoir accepté, à deux reprises, le candidat présenté par la présidente pour la fonction de premier ministre, et conformément à la Constitution, le Parlement a été dissolu. Les élections législatives anticipées sont prévues le 11 juillet.

Depuis son accession au pouvoir, Mme Sandu se garde de mener une politique dictée par les considérations géopolitiques. Bien qu’elle soit perçue à l’étranger avant tout comme pro-européenne, et favorable une intégration plus étroite de la Moldavie à l’UE, la priorité de Mme Sandu est de combattre la corruption endémique qui mine tous les secteurs d’activité du pays. Pour cela, elle doit pouvoir s’appuyer sur un gouvernement réformateur. Or, selon Mme Sandu le gouvernement soutenu au parlement par une coalition hétéroclite dominée par les socialistes ne s’est jamais engagé dans la lutte contre la corruption. Avec la complicité de système judiciaire, il a laissé dilapider les grandes entreprises d’Etat. Sans se soucier du peu de ressources financières, il s’est engagé dans un programme de dépenses opportunistes visant à plaire à l’électorat rural et âgé.

En évitant ostensiblement de prendre partie contre la Russie, ou de plaider pour une adhésion de la Moldavie à l’OTAN, ou un rattachement à la Roumanie, Mme Sandu tente de déjouer les attaques traditionnelles de ses adversaires qui, faute d’alternative crédible, continuent de fonder une bonne partie de leur stratégie électorale sur les divisions ethniques et linguistiques et le rejet d’un Occident jugé décadent et indifférent aux besoins réels du pays.

Cependant, les techniques anciennes utilisées par les socialistes et leur alliés communistes ne semblent plus fonctionner aujourd’hui. Jouant sur la peur de la perte du statut de neutralité de la Moldavie, inscrit dans la Constitution6, et la crainte d’une adhésion à l’OTAN, voire de la réunification de la Moldavie à la Roumanie, qui reste peu populaire (1/3 de l’électorat y serait favorable), les partis de gauche (PSRM et PCRM, Parti communiste de la République de Moldavie) comptent sur les minorités russophone et turcophone pour asseoir leur pouvoir. Mais, mieux informée, acquise à l’idée d’une nation moldave, et surtout dégoûtée par des années d’immobilisme politique et de piètre croissance économique, de bas salaires et de pensions de retraite insuffisantes, une partie de l’électorat rural, âgé et conservateur n’est plus toujours aussi sensible au discours caricatural anti-européen des socialistes et de leurs alliés. Récemment, Vladimir Voronin, Président du PCRM, a déclaré à la télévision qu’en votant pour des partis pro-européens, les Moldaves choisiraient de voter contre la neutralité du pays, « pour que des soldats de l’OTAN viennent ici [en Moldavie] pour faire des enfants de couleur de peau noire, et non blanche, et pour qu’après cela débarquent les gendarmes roumains. »7 Bien plus, alors que le PSRM provient d’une scission du PCRM, ce que Vladimir Voronin n’a jamais pardonné à Igor Dodon, les deux partis ont décidé de faire alliance pour les élections du 11 juillet. Bien que Voronin ait traité Dodon de « traitre » à plusieurs reprises, il se retrouve aujourd’hui tête de liste du bloc électoral commun PSRM-PCRM. Cette réconciliation de circonstance a du mal à convaincre, vue l’animosité persistante entre les deux chefs de fil.

Il semblerait donc que le rapport ambigu des socialistes et de leurs alliés communistes avec la Russie joue de plus en plus en leur défaveur. Igor Dodon a récemment effectué plusieurs voyages à Moscou, tout comme la présidente du Parlement, Zinaida Greceanîi. Cette dépendance perçue aux « ordres » de Valdimir Poutine et de ses proches et une position trop conciliante sur le dossier transnistrien met en doute, chez certains, l’attachement des socialistes du PSRM à l’intégrité territoriale de la Moldavie. Igor Dodon a beau menacer d’une « guerre » civile en Moldavie, en cas de victoire des réformateurs aux élections, il n’est pas certain que cela suffise à motiver l’électorat lassé des discours négatifs et diviseurs.

Bien plus, Mme Sandu n’a de cesse de souligner que, malgré ces bonnes relations avérées, de nombreux problèmes demeurent dans les relations avec la Russie, au sujet des barrières à l’exportation et des droits sociaux des travailleurs moldaves en Russie par exemple. De fait, après 30 ans de relations réputées « privilégiées » avec la Russie et ses derniers alliés (Biélorussie notamment), la République de Moldavie n’a bénéficié que de peu de faveurs économiques ou politiques de la part de son grand voisin. Il semble donc naturel que la nouvelle génération, plus sensible aux intérêts propres de la Moldavie, tente de renouer avec l’Occident, sans renier l’importance du partenariat avec la Russie.

Après six mois au pouvoir, Mme Sandu semble récolter les premiers fruits d’une stratégie fondée sur un message clair : la lutte contre la corruption dans l’appareil d’Etat (exécutif, législatif, judiciaire) et dans l’économie, la création de conditions économiques favorables à l’investissement étranger, le retour de la Moldavie sur la scène européenne. Au chapitre de la lutte anti-corruption, faute de pouvoir compter sur le procureur général et l’agence nationale anticorruption, Mme Sandu a lancé en janvier le Comité consultatif indépendant anti-corruption, composé de personnalités moldaves et internationales. Ce comité aura pour vocation d’avertir le public sur les cas de corruptions, et d’identifier les causes de blocage ne permettant pas de traiter correctement ces affaires. Concernant le développement économique, Mme Sandu a réussi à débloquer des sommes importantes d’aide bilatérale et multilatérale, en provenance de pays membres de l’UE, pour soutenir le redressement du pays post-Covid, et aider le monde agricole, durement touché par la sécheresse en 2020. Au plan international, le nombre des déplacements à l’étranger de la nouvelle présidente est impressionnant, et la liste des pays visités ou des chefs d’Etat accueillis est révélatrice.

La première visite officielle de la nouvelle présidente fut à Kiev, pour relancer les relations avec l’Ukraine. La visite suivante fut à Bucarest, renouant ainsi avec un allié traditionnel souvent négligé par les précédents gouvernements. Le président Klaus Iohannis voit d’un bon œil le rôle de la Roumanie comme principal avocat de la Moldavie auprès de l’UE. La Roumanie, qui apparaît de plus en plus comme un pôle de stabilité et de croissance indispensable dans un Sud-Est européen très volatil, a en effet tout intérêt à consolider la souveraineté et la pacification de son petit voisin. Pour l’heure, à part quelques partis (comme le nouveau parti de l’Alliance pour l’Union des Roumains, AUR), et malgré ce que prétendent les socialistes du PSRM, personne ne songe vraiment à la réunification de la République de Moldavie à la Roumanie. Ce serait une provocation inacceptable pour Moscou, tout comme le serait une éventuelle adhésion à l’OTAN. La Roumanie a tout intérêt à continuer à jouer la carte de la « soft power » en renforçant l’aide bilatérale, culturelle et économique, sans oublier l’assistance sanitaire. La Roumanie a tout fait pour que la République de Moldavie soit rapidement dotée en vaccins contre le Covid-19. Cela n’est pas passé inaperçu auprès de l’opinion moldave. La Russie a été prise de court sur ce dossier, tout comme la Chine. Les vaccins spoutnik et sinovac sont arrivés à Chișinău après l’AstraZeneca.

La visite à Kiev, symbolique, reflète une situation plus compliquée. Les deux pays sont soucieux de collaborer dans un rapprochement avec l’UE. Kiev soutient l’intégrité territoriale moldave, comme le fait Chișinău pour Kiev. Mais un dossier oppose les deux parties concernant un ouvrage hydroélectrique sur le Nistru (le Dniestr). L’Ukraine peine aussi à abolir la distinction qu’elle continue de maintenir entre minorité de langue « moldave » et « roumaine » sur son territoire. Mais la Moldavie a intérêt à développer des relations amicales avec son voisin, tant pour des raisons économiques que politiques. L’Ukraine peut jouer un rôle déterminant dans le règlement de la question transnistrienne.

Parmi les autres capitales ayant accueillies Mme Sandu figurent encore Paris. La présidente y a rencontré le président Macron et la Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo. La Moldavie, comme la Roumanie est membre de cette organisation. Maia Sandu s’est également rendue en Italie et en Pologne, sans oublier Bruxelles, à la rencontre des institutions européennes. A chaque fois, la présidente a en profité pour dialoguer avec la diaspora moldave locale, qui lui est plutôt favorable. Sans pouvoir faire officiellement campagne pour son ancien parti dans les élections législatives, Mme Sandu espère ainsi mobiliser cet électorat crucial pour le prochain scrutin. Enfin Maia Sandu a reçu le président de Lituanie à Chișinău. Il a rappelé à ce propos que la RSS de Moldavie (alors encore membre de l’URSS) fut le premier Etat à reconnaître l’indépendance de la Lituanie, dès 1990.

Il est essentiel que la Moldavie entretienne de bons rapports avec les pays de l’est de l’Europe membre de l’UE. Ils sont des exemples sur la voie de l’intégration européenne, et des avocats attentifs de la situation de la Moldavie. C’est le cas, en particulier des trois pays baltes. La république de Moldavie espère donc se positionner à l’avant-garde du trio qu’elle forme avec l’Ukraine et la Géorgie. Ces pays sont victimes des mêmes ingérences russes sur leur territoire. Ils voudraient, chacun à leur manière, intégrer à plus ou moins long terme l’UE. Une collaboration plus étroite entre les membres de ce « trio associé » est donc promise à se développer, comme le stipule un mémorandum signé par les ministres des affaires étrangères de ces pays, le 17 avril dernier à Kiev.

Un voisin de taille manque à la liste. Maia Sandu ne s’est pas encore rendue à Moscou, faute de volonté politique de part et d’autre. Il est certain que Moscou attend les élections législatives de juillet pour se positionner. Plusieurs observateurs russes ont déjà fait l’amer constat : « La Russie a perdu la Moldavie. » Il reste que le conflit transnistrien demeure un levier puissant de déstabilisation pour Moscou. En laissant délibérément pourrir la situation à Tirsapol, Moscou espère fragiliser durablement la République de Moldavie, à défaut de compter Chișinău pour allié fidèle.

Les défis sont donc importants pour la République de Moldavie. Les élections anticipées du 11 juillet seront décisives, pour confirmer ou non la direction donnée par la présidente Sandu. Si son ancien parti, le PAS obtient une majorité absolue, la voie semble libre pour que des réformes plus profondes puissent être engagées. L’UE ne manquera pas de soutenir cette trajectoire, par tous les moyens, sous l’œil bienveillant des Etats-Unis. Mais les réformes envisagées seront forcément longues : la corruption sévit à tous les degrés, et l’économie moldave reste fragile. On peut aussi penser que la Russie et ses alliés du PSRM tenteront de déstabiliser la situation, et décrédibiliser les actions menées par la nouvelle équipe. Enfin, la question de la « réintégration du pays », c’est-à-dire de la récupération d’une pleine et totale souveraineté sur la rive gauche du Nistru (le Dniestr) reste une question délicate, qui ne pourra se résoudre que si la Russie le décide. Mais on voit mal ce qui pourrait inciter Moscou à revoir sa position. La fédéralisation du pays serait un triomphe de ceux qui veulent dépecer Chișinău de toute souveraineté réelle. Sans la vigilance des puissances occidentales, une telle solution reste envisageable. La réunification avec la Roumanie reste, pour le moment, impensable.

Quoiqu’il en soit, la composition multiethnique de la Moldavie, en particulier l’importante minorité russophone présente en région transnistrienne et dans d’autres zones du pays, reste un défi de taille pour l’avenir. Il est important que la République de Moldavie, pays signataire de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales8, puisse garantir à ses minorités tous leurs droits, dont la possibilité d’étudier dans leur langue. Beaucoup de citoyens moldaves disposent de la citoyenneté roumaine ou russe. La multiplication de ces binationaux, répartis selon leur langue, pose la question de l’ingérence des Etats voisins dans le pays, et de l’attachement réel à la Nation moldave. Il est évident que la Moldavie ne peut tourner le dos à son voisin russe, ni ostraciser les populations russophones présentes sur son territoire. Il faut tenir compte de leur inquiétude légitime quant au rééquilibrage des relations avec l’UE, et le rapprochement avec la Roumanie en particulier. En outre, la peur de l’Occident peut aussi s’expliquer par certaines valeurs sociales très libérales prônées par les pays de l’UE, au rebours d’une frange de la société moldave plus traditionnelle. Il n’y a pas d’avenir serein en République de Moldavie sans prise en compte des intérêts légitimes des populations russophones. Opposer Est et Ouest n’a aucun sens dans cette partie de l’Europe, n’en déplaise à certains commentateurs.

A ce titre, la Moldavie peut s’inspirer des succès et éviter les écueils des politiques menées en Estonie et en Lettonie, qui comptent également une minorité russophone importante9. La Roumanie, qui compte une population magyarophone de taille, peut aussi servir de modèle. L’Etat y demeure unitaire, tout en respectant les spécificités des minorités. Depuis 2014, c’est un membre de la minorité allemande, Klaus Iohannis, qui dirige ce pays. Cependant, il faudra que la Moldavie trouve sa propre manière d’intégrer l’ensemble de ses citoyens. Au-delà des politiques linguistiques, il s’agit de construire une société ouverte, où chaque minorité puisse se développer en harmonie avec un projet national commun avec lequel elle puisse s’identifier. Seul le développement de meilleures conditions de vie locales, aptes à sédentariser la jeunesse, toujours prompte à s’expatrier, pourront créer les conditions d’une véritable entente respectueuse et confiante entre les différentes composantes de la société moldave. Si la République de Moldavie reste trop dépendante de ses voisins – de l’Ouest ou de l’Est – elle ne parviendra jamais à se développer de façon durable. Trop petite pour peser véritablement à l’échelle internationale, elle doit trouver en interne la cohérence et la force pour conduire son destin de façon indépendante et affirmée.

La diaspora moldave, jeune, bien formée, détient sans doute les clefs de l’avenir de ce petit pays. Beaucoup dépendra de sa mobilisation pour aller voter le 11 juillet, mais plus encore de la volonté de certains de rentrer au pays pour y soutenir une orientation économique et politique nouvelle. Le chemin est étroit et difficile, mais, en six mois le réveil de la Moldavie en a déjà surpris plus d’un.

 

**************************************************NOTES*************************************************

1 Source : Banque Mondiale

2 Les pays du Partenariat oriental sont : la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

3 Métropole de Bessarabie et autre contre Moldavie. C’est la première décision de la CEDH qui concerne la Moldavie. Le gouvernement moldave refusait de reconnaître la Métropole de Bessarabie, ce qui portait préjudice à ses fidèles puisque, sans reconnaissance officielle, l’Eglise ne pouvait se constituer en association, avoir quelque propriété etc., en outre les fidèles de cette Eglise furent régulièrement inquiétés par le gouvernement, et leurs célébrations interdites.

4 Arrêt de la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l’homme « Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie » (requête n o 48787/99)

5 Cf. « Illicit Financial Flows and Asset Recovery in the Republic of Moldova », UNICRI Research Paper, 2021

6 Article 11 de la Constitution : « La Moldavie proclame sa neutralité permanente. » Selon l’article 142, cette disposition ne peut être révisée que par référendum.

7 Interview en russe du 15 mai 2021 sur la chaîne TVC21.

8 Ratifiée le 20 novembre 1996 par le Parlement de la République de Moldavie, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales y est entrée en vigueur le 1er février 1998.

9 L’Estonie compte près de 30% de russophones, la Lettonie 25%, soit bien plus qu’en République de Moldavie.

 

 

 

 

 

 

 

 

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